Daniel Marchildon
Qui suis-je ?
Je suis né au tout début des années soixante, très tard un soir de novembre où ma mère faisait du ménage. (Il faut croire qu’elle en avait assez de laver les planchers et qu’elle a pensé qu’accoucher serait moins fatigant.)
J’ai grandi là où je suis né, à Penetanguishene, à environ 160 km au nord de Toronto. Quand j’ai eu 16 ans, je n’avais qu’une idée en tête : partir. Sept ans plus tard, après avoir obtenu un bac à l’Université d’Ottawa, je n’avais qu’une idée en tête : y retourner.
J’habite donc dans ma région natale, baptisée la Huronie par les Français au début des années 1600. Je ne peux pas affirmer que la Huronie se porte mieux parce que je suis revenu, mais au moins personne ne m’a jamais dit le contraire. Une dizaine de livres et des milliers de pages noircies plus tard, je me sens toujours comme un amateur à chaque fois que je me retrouve devant une page blanche. On penserait que ça deviendrait plus facile avec le temps…
Mais je me considère comme chanceux, d’abord de vivre dans un bel endroit, avec de profondes racines francophones (bien qu’un peu noyées par des pluies anglaises) et ensuite de pouvoir pratiquer un métier que j’aime (même si à l’occasion je suis obligé de faire du « vrai travail » pour payer les factures).
Publication au sein de la collection 14/18
La première guerre de Toronto, 2010 – Prix du livre d’enfant Trillium 2010
Otages de la nature, 2018
Les guerriers de l’eau, 2021
6 questions à Daniel Marchildon
- Dans Les guerriers de l’eau, pourquoi avoir choisi de priver les États-Unis d’une ressource aussi vitale que l’eau ?
J’ai opté de présenter l’enjeu de la disparition de l’eau chez nos voisins du sud et à une époque « avenir »pour donner un peu de distance à moi et aux lecteurs / aux lectrices afin de réfléchir à cette préoccupation bien présente au Canada et dans le monde aujourd’hui. Comme tout a tendance à être grand aux États-Unis, autant les succès que les échecs, et que c’est un pays qu’on connaît et qui constitue un empire qui pourrait très facilement dégringoler dans l’état chaotique présenté dans mon roman, il était tout désigné pour être le théâtre de cette intrigue de guerre. - En quoi vos racines franco-ontariennes ont-elles un impact sur vos récits ?
Je suis originaire et j’habite toujours dans la Huronie, la première région où les Européens, les Français, se sont établis sur le sol ontarien au début des années 1600. Marcher un peu dans leurs traces a quelque chose d’inspirant. Même si les Français sont partis en 1650, des Canadiens français les ont remplacés ici dans les années 1800 et marquent toujours la région. Je n’oublie jamais que je fais partie d’une communauté, d’abord la Huronie, puis l’Ontario français. Donc l’histoire et les enjeux que je partage avec les francophones ici et ailleurs dans la province et dans le pays alimentent ma culture, mes réflexions et mes émotions. J’écris pour comprendre, moi-même et les autres, et pour raconter notre vérité à travers des mensonges. - Quelle est votre source d’inspiration inépuisable ?
En fait, il y a en deux : l’histoire et la bêtise humaine. Notre histoire, qu’elle soit récente, ou très vieille, contient plein d’anecdotes aussi fascinantes que palpitantes. Les gens peuvent parfois être bien bêtes. Observer cette caractéristique de l’être humain me donne des idées pour des personnages, surtout des méchants ou encore des personnages drôles. - Avez-vous des souvenirs d’écriture mémorables ?
J’étais en train d’écrire une scène de naufrage épouvantable, qui se passe en pleine tempête dans la Georgienne en novembre 1913, quand j’étais assis à la plage dans l’eau par une chaude journée d’été dans cette même baie. Sentir l’eau m’a animé d’un courant électrique. Et, même si c’est l’une des scènes les plus dramatiques de mon roman L’eau de vie (Uisge beatha), c’est peut-être celle que j’ai pu écrire le plus facilement. J’écris mes romans d’abord à la main. Comme ça je peux être dehors (en été, au moins) et n’importe où, même percher dans un arbre. - Vous dites ne pas être écrivain à plein temps, quelles sont vos autres professions ? Arrivez-vous tout de même à écrire quotidiennement ?
Je travaille depuis les années 1980 en tant que traducteur, et rédacteur de rapports, d’articles, ou encore de textes historiques. Je suis aussi un scénariste (métier bien mieux rémunéré que celui de romancier) avec un long métrage, La Sacrée, et des émissions pour la télévision à mon actif. De plus, j’ai écrit de nombreux scénarios de capsules radiophoniques produites et diffusées par les radios communautaires de langue française de l’Ontario. J’ai également signé plusieurs récits sur commande pour le magazine QUAD9. Alors, je gagne ma croûte (quand même assez mince) en utilisant mon stylo de façon très variée. Je n’écris pas de la fiction tous les jours, sauf quand j’ai un projet précis en cours. Quand c’est le cas, je tente de garder l’élan et d’avancer (parfois tant bien que mal) chaque jour. - Quel est votre rêve ultime, la chose que vous aimeriez à tout prix accomplir dans votre carrière d’écrivain ?
Évidemment, j’aurais bien aimé pouvoir vivre de ma plume. Mais c’est le cas pour très peu d’écrivaines et d’auteurs. De rejoindre et de toucher un aussi grand lectorat que possible fait partie de mes rêves. Mais, là encore, il faut être réaliste par rapport à ses ambitions. Qu’on dise que ma contribution, si modeste soit-elle, a donné un coup de pouce à la littérature franco-ontarienne. Que mes livres soient toujours disponibles et lus quand je ne serai plus de ce monde.
Un conseil pour un futur écrivain ou une future écrivaine ?
Écrire d’abord et avant tout pour se faire plaisir. Si la publication vient après, c’est un boni.